Faire du théâtre… ou l’art de changer de costume !

sarah-bernhardt-grangerQui n’a jamais rêvé d’être une star, émouvante et talentueuse, brillant sous les feux de la rampe ? Hé bien moi oui ! Un fantasme de petite fille trop sage ayant grandi dans une petite ville de Province sans envergure, entourée de gens dénués de projets et déjà ternes avant même d’avoir vécu… Une envie diffuse, qui resurgissait de loin en loin, après avoir vu une représentation théâtrale m’ayant transportée ou découvert des comédiens hallucinants comme Philippe Caubert, capable de jouer une dizaine de personnages à lui tout seul sur une scène dépouillée, débitant un texte fleuve pendant trois heures de spectacle et finissant nu comme un ver en hurlant face à une salle conquise !

J’admirais ce type de personnages capables de tout donner sur scène, sans pudeur ni simagrées, jusque dans des situations qui les dévalorisent, mettant à mal leur image et tordant le cou à leur ego. Je les admirais (et je les admire toujours) car je n’avais pas le courage de m’affirmer telle que j’étais, essayant toujours de donner le change en montrant mon meilleur profil. Le théâtre me semblait donc une bonne épreuve pour me confronter à mes démons et à mes peurs…

Jouer ou ne pas jouer, telle est la question !

Des mises à l’épreuve, j’en avais pourtant déjà pas mal passées dans mon boulot de consultante en communication, lorsqu’il fallait passer le grand oral devant des clients à qui je devais vendre la création d’un journal interne pour leurs salariés, ou un événement pour le lancement de leur dernier produit. La bouche sèche, les joues en feu, les mains tremblantes, je déroulais mon propos comme un somnambule en plein bad trip, les mots perdant tout leur sens et résonnant de façon factice à mes oreilles. Je me maudissais intérieurement de ne pas arriver à incarner toutes ces belles idées que j’avais mis des heures à cogiter et à coucher sur le papier, submergée par le stress.

Alors, l’année de mes 40 ans, la fameuse (!), je me suis mise en quête d’un cours sur Marseille. J’ai atterri dans une Maison de quartier excentrée où une petit troupe se réunissait toutes les semaines, menée par un comédien baroudeur jonglant entre les cours, sa troupe amateure et sa compagnie professionnelle (Les Décrocheurs de lune).

Et là, je me suis régalée !!!

Plongée dans le grand bain…

Envolées, les fausses pudeurs et la timiderie, dans le plaisir du jeu ! Entourée de joyeux et joyeuses drilles, j’apprends à jouer sans filets… ou presque. L’exercice que je redoute le plus au monde se révèle être mon préféré : après des années d’académisme au conservatoire de musique, incapable de jouer un morceau sans partition, de cours de danse clascelia-playmobilsique rigides et empesés, de jeux de rôles de communicante non convaincante, je découvre l’improvisation ! Un cadre est donné au départ (condition indispensable pour pouvoir se lâcher en confiance), à l’intérieur duquel l’imagination peut s’exprimer librement. Paradoxal, mais vrai ! Je me retrouve en costume du XVIIe siècle à débiter une partie du texte du « Père Noël est une ordure » avec des notes fleuries et des manières de comtesse à la cour de Louis XVI… À inventer une histoire dramatique cousue de fil blanc à partir d’une carte postale tirée au hasard devant mes camarades, qui m’a fait tirer les larmes sur mon propre sort… Et à mimer un Playmobil en plastique essayant de sortir de sa boîte de jeu sans plier les membres ni desserrer ses mains en forme de pince !

Plongée dans un autre monde, immense et plein de contrées inconnues à explorer, alors que la salle de répétition est toute petite et que l’on est treize à s’y entasser. Exercices de respiration (on se recentre), exercices de diction, tous en cercle, à se regarder les uns les autres grimacer, articuler, rigoler. Improvisations à deux, trois… Je ne réfléchis pas, je me lance dans le jeu, sans technique particulière ni expérience « théâtraaaaaaaale », mais je m’amuse. Je ne me sens pas jugée, ni notée. Juste le plaisir d’inventer une histoire, avec son corps, mais aussi avec des mots. Rebondir sur ce que les autres font et suscitent, le plus spontanément possible.

Comment je suis devenue grenouille !

Par contre, la représentation de fin d’année n’est pas du même acabit. Là, il faut apprendre des pages de textes, s’accorder à ceux qui donnaient la réplique, respecter la mise en scène… et ne pas avoir le trac face à un vrai public !!! Mais l’énergie du groupe et legrenouille style vaudeville des pièces choisies permettent de faire passer la pilule. Rebondissements en tous genres, faux crimes et arnaques, tromperies, mensonges… toute la panoplie des sentiments est jouée avec bonheur et entrain.

Au final, j’ai eu ma petite heure de gloire, même si mon image a souffert de certains rôles : plusieurs personnes ont pensé me complimenter en me disant que je ressemblais à Rachida Dati dans mon costume d’avocate coincée à la coupe stricte et au sourcil froncé… Et ma fille se souvient encore avec émotion du moment où je traverse la scène en hurlant et en brandissant un couteau de boucher, chaussée de palmes bleues et la tête surmontée d’un poisson et d’une étoile de mer en carton ! Le bonheur de ne pas être soi !!!

« Tout acte créatif est un acte de transformation de soi »


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3 réflexions au sujet de « Faire du théâtre… ou l’art de changer de costume ! »

  1. Et de 2..ton récit replonge bien le « personnage » dans la désormais (si fameuse) période des 40 ans. Il donne de surcroît l’envie de se lâcher d’une vie sur les rails que l’on a bien voulu se tracer par sécurité et de tenter l’improvisation …et tout le reste qui va avec. Puisse t’il inspirer et mettre en chemin.

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