Se transformer en profondeur : un accouchement presque sans douleur !
Mais qu’est-ce que je suis venue faire dans cette galère ! Dix jours de méditation dans un centre perdu au fin fond de la Bourgogne, sans dire un mot, un seul, à ses voisines (les garçons et les filles sont séparés dès l’arrivée au centre…) ; levée au son du gong à 4 heures du matin, couchée à 21 heures dans un box de 4 m2 fermé par un simple rideau, et entre les deux, 10 heures d’assise silencieuse, les yeux fermés, le dos droit, tous les muscles et ligaments criant à l’infamie… En guise de nourriture terrestre, un petit-déjeuner à 6h30, un déjeuner à 11h30, puis terminé, hormis un fruit et un bol d’eau chaude citronnée en guise de goûter. Une vie de nonne, comme on nous le précisera un peu plus tard…
Dès la fin du premier jour, on se met à réfléchir au moyen de se sauver sans perdre la face, en calculant comment attraper le premier train à la gare de Laroche-Migènes (euh… Laroche quoi ?) et appeler un ami en urgence pour vous récupérer à l’arrivée ! Mais l’entreprise s’avère périlleuse et les encadrants ont prévu cette première tentative de fuite (le 6e jour sera aussi un jour critique de ce point de vue-là…) : le premier discours du soir dispensé en audio par Satya Narayan Goenka, le vénérable et défunt maître en charge de transmettre la technique, pointe immédiatement ce réflexe bien naturel et redonne du baume au cœur avant d’aller se coucher pour affronter la 2e journée.
Une pratique éprouvée, un fondement théorique prouvé…
Car c’est là une des forces de la méditation Vipassana (terme pāli signifiant « vision pénétrante », « voir les choses telles qu’elles sont réellement ») : marier de façon intime le discours et la pratique, le fondement scientifique et la réalité vécue au plus profond de son intimité. Il n’y a guère de failles dans lesquelles s’engouffrer pour les sceptiques ou les pragmatiques. Tout est cohérent, clair et simplement exprimé. Et quand bien même on serait tenté d’argumenter, la seule réponse qui nous est opposée est : expérimentez par vous-même, vous pourrez vérifier le bien-fondé de la technique.
Mais quelle est-elle, cette mystérieuse technique ? Et bien purement et simplement l’enseignement du bouddha Siddhartha Gautama lui-même, révélé voici maintenant plus de 2 500 ans : la vie est mouvement, changement perpétuel, rien ne dure (nous sommes des êtres périssables, qui courrons vers notre mort à peine venus au monde). Rien ne justifie alors de s’accrocher à notre ego comme un naufragé à son radeau, ou de tenter d’oublier notre finitude irrémédiable dans de vaines distractions ou des rêves sans lendemain. Plus concrètement parlant, se prendre au sérieux dans le rôle social que l’on a endossé (au travail, dans son foyer, dans ses cercles relationnels), se disputer avec son compagnon ou sa compagne sous prétexte que c’est nous qui avons raison et l’autre tort, s’accrocher à ses jugements et défendre bec et ongles sa vision du monde…, est pure perte de temps (et vanité !) car tout cela aussi disparaîtra avec nous !
Sans compter que tous ces comportements et postures nous font souffrir : de ne pas être reconnu, entendu, compris, aimé… Nous oscillons sans cesse entre deux extrêmes : une grande excitation quand la vie nous envoie ce que nous attendons, suivie de l’envie que ce sentiment positif perdure (l’avidité – gravity), et un grand désarroi quand les choses ne se passent pas comme nous voulons, qui nous fait rejeter les causes supposées de ce mal-être (l’aversion – aversion).
Apprendre à voir les choses telles qu’elles sont réellement
OK, d’accord, mais comment fait-on pour prendre de la distance avec ça ? Tout simplement en observant ses sensations ! À l’image du monde qui nous entoure, notre être est constitué de millions d’atomes qui s’agitent en permanence. Des sensations apparaissent et disparaissent sans cesse, de douleur ou de plaisir, liées aux stimuli reçus par l’intermédiaire de nos sens (la vue, le toucher, l’ouïe, le goût, l’odorat et le cerveau). Si l’on arrête de s’identifier à ces sensations en les observant comme des phénomènes objectifs, tel un docteur ausculte son patient, et en en comprenant bien la nature impermanente (« la douleur suscitée par cette brûlure finira par s’atténuer », « la colère ressentie du fait de ce différent avec mon collègue de travail ne durera pas 6 mois »), elles finissent pas perdre de leur intensité et… disparaissent.
Durant la méditation, la technique nous incite à « balayer » toutes les sensations perçues dans notre corps… et à les laisser passer ! Au fur et à mesure de la pratique, nous développons une équanimité vis-à-vis de ces phénomènes intérieurs, que nous serons alors à même d’exercer vis-à-vis des phénomènes extérieurs (les autres, les événements…).
Travaillez à votre bonheur !
L’objectif de tout cela ? Être en paix avec soi-même (en faisant le ménage à l’intérieur de nous) et avec les autres (en comprenant que les mêmes mécanismes sont à l’œuvre chez eux…). Ça vaut bien 10 jours dans une année ! Mais sachez qu’une fois que vous aurez mis le pied dedans, il vous sera difficile d’en sortir !
De la même façon que vous devez vous laver tous les jours pour être propre, vous devrez aussi méditer tous les jours pour nettoyer votre esprit de toutes les impuretés (idées obsessionnelles, dévalorisation personnelle, médisance…) et automatismes (rester tourné vers le passé, avoir peur de l’avenir, cogiter sur tout et n’importe quoi en permanence) qui l’encombrent et que vous ne cessez de produire… Afin d’atteindre, comme cela nous est répété chaque soir dans le hall de méditation avant d’aller dormir, « l’harmonie véritable, la paix véritable, le véritable bonheur ».
> En savoir plus sur le centre de méditation Vipassana Dhama Mahi :
Lire le récit d’une expérience Vipassana sur le blog « Le yoga dans ma vie »
Livre : L’art de vivre : Méditation Vipassana enseignée par S.N. Goenka, William Hart. Points Sagesses N° 126, 1997.
L’expérience relatée est fidèlement décrite. Bravo pour ce premier article qui en appellera j’en suis certain de nombreux autres, que ce blog puisse aider et éclairer de nombreuses personnes sur cette voie exigeante mais oh combien salutaire au final de la transformation du milieu de vie.
J’aimeAimé par 1 personne