Monter un cabaret au boulot : une aventure hors cadre

Mme LoyaleLe grand boum des 40 ans… Le besoin impérieux de sortir du cadre, oser, créer, vibrer… Tout était possible, le feu qui m’animait, après avoir longtemps couvé sous ma croûte terrestre, explosait de toutes parts et me galvanisait. Une idée émergea de ma tête telle une évidence, tout droit sortie de ma boîte à vieux fantasmes jamais assouvis : je voulais faire du cabaret ! Comme Lisa Minelli, sur une petite scène devant des gens attablés buvant du champagne, au milieu de personnages atypiques et truculents, burlesques et touchants.

Dans mon travail, j’étais entourée de pas mal de collègues qui sévissaient dans un art ou un autre, pour certains mêmes dans un contexte semi-pro. Chanteurs, musiciens, danseurs, imitateurs, blagueurs… Toute la palette des talents anonymes chatoyait dans cet établissement où régnaient à l’époque la bonne humeur et le dynamisme.
J’ai lancé l’idée à la volée, un beau matin, aux oreilles attentives et aux envies latentes : le projet a poussé aussi naturellement qu’une plante sortant de terre et déployant une à une ses jeunes feuilles. En moins de deux, toute une équipe s’est mise en place, chacun choisissant le rôle qui lui convenait le mieux : artiste, régisseur, maquilleuse, technicien son, décorateur… Les uns répétaient ensemble dans les salles de travail désertées en fin de journée, les autres à la maison devant leur famille ou compagne/compagnon interloqué(e). Aucune exigence artistique n’était posée, hormis celle de se faire plaisir et de proposer la prestation la plus adaptée à sa personnalité et à ses habiletés.

De la salle de réunion à la salle de spectacle…

J’ai coordonné ce joli petit monde pendant tous les préparatifs et construit de mon côté mon rôle de « Madame loyale » en charge de tenir et de présenter le fil conducteur du spectacle le jour J. L’organisation était des plus fluides, chacun s’adonnant à sa tâche avec entrain, les artistes d’un soir, les techniciens recrutés au sein du service des Affaires générales et le patron qui portait sur toute cette effervescence un œil bienveillant, convaincu que cela contribuait au bien-être et à la motivation de ses personnels (grand remerciement lui en soit fait en passant !).

Le soir de la représentation, la salle avait été préparée avec soin, dans les règles de l’art cabaresque, avec ses petites tables rondes nappées de rouge éclairées à la bougie et des coupettes de champagne attendant les convives : collègues non impliqués dans l’aventure artistique, familles et amis, tous réunis pour un show qui allait durer quasiment deux heures. Ce fût une soirée magnifique et inoubliable ! Les spectateurs voyaient se succéder sur scène des personnes qu’ils croyaient connaître, ou au contraire qu’ils n’avaient jamais remarquées et qu’ils voyaient comme pour la première fois, métamorphosées en Shéhérazade ondulant aux rythmes d’une musique orientale ; Latin Lucia Bardot 2lover en Marcel de coton blanc roucoulant en italien ; commandant d’armée invectivant la salle avec des blagues salées ; Brigitte Bardot déchaînée en short et cuissardes, montée sur un Dax transformé par la magie de l’art en Harley Davidson !

Rien ne manquait au spectacle, pas même les lumières et les fumigènes, jusqu’à l’enseigne peinte à la main ornant le fond de la salle et qui affichait en lettres dorées « Salons du Splendid », du nom de l’ancien hôtel chic qui occupait ces lieux avant leur reprise par l’État et dont nous faisions renaître les fastes le temps d’une soirée…

Des paillettes dans les yeux et de la joie au cœur

De longs mois, et même des années après, on parle encore de ce cabaret éphémère dont les miroirs étincelants ont renvoyé une image magnifiée de tous ces gens qui n’étaient alors pour les uns et les autres que de simples collègues : transportés par l’émotion et l’excitation de leur prestation, galvanisés par le long travail de préparatif et la stimulation du groupe, nourris du regard fier et admiratif de leurs proches et collègues. Leurs sourires et leur joie m’ont touchée au plus haut point et m’ont fait comprendre ce qui fait la beauté d’un être humain : son engagement sincère, sa capacité à donner à voir et à partager ses émotions et ses rêves en toute humilité.

Ce spectacle m’a donné l’assurance nécessaire pour mettre en œuvre par la suite une autre approche du cabaret sous forme de stages d’été au cœur du village mythique de Saint-Antoine l’Abbaye. L’aventure ne faisait que commencer et j’en étais enchantée !

Salle Splendid

Une réflexion au sujet de « Monter un cabaret au boulot : une aventure hors cadre »

  1. Ping : Mes 40 ans : le début de la fin…. | la mue

Laisser un commentaire